Illustration Garance Dore
Je connais une fille, qui fait une fixation sur la mode, et tout ce que la mode apporte de beau, d'original, pas forcement d'unique mais de chic et de "voyant".
Cette fille , passait nos journées en terrasse à scruter les gens qui passent , à me designer un faux Hermes, un faux Vuitton, un faux Diesel, à m'apprendre à connaitre la différence entre le faux et le vrai , à critiquer les gens qui dépensent de l'argent sur du faux jean quand ils peuvent se payer un Zara décent...
Moi mon avis a toujours été, si ça rend heureux quelqu'un de porter un Vuitton vert canard qu'est ce que ça peut te faire à toi personnellement?
Sa réponse a toujours été: "des gens qui font ça veulent se faire passer pour ce qu'ils ne sont pas, et nous prennent pour des abrutis."
Ma réponse était: "l'es tu vraiment?"
je la vois encore , déposait sa tasse d'un geste nerveux, jeter ses beaux cheveux en arrière , rouler les yeux et me dire : "De toute façon tu ne me comprendras pas! "
Elle a finit dans un faux mariage, avec un vrai Chanel mais un faux mari, et passera une bonne partie de sa vie à se faire passer pour ce qu'elle n'est pas... et se prendre pour une abrutie.
Ce que j'essaie de dire, c'est que dans notre quête du vrai et du faux, on finit toujours, ou en tout cas le plus souvent par ne plus vraiment faire la différence
On a beau connaitre pas coeur la couture d'un 2.55 à force de faire une fixation dessus on ne sait plus vraiment où chercher…
Et ce qui est valable pour les sacs de marque est valable pour les gens…
J'ai rencontré un homme, des plus charmants, qui m'a parlé de sa vie, des ses attentes, de ses rêves, de sa "quête" de l'amour,
A quel point, il est prêt à aimer et à se laisser aimer, à quel point il est porteur d'une affection et d'une passion qui ne demandent qu'à être partager!
Et à 5h du matin, devant les premières lueurs du matin , il m'a pris la main et m'a demandé: "Qu'est-ce que je fais mal?"
J'ai répondu: "Tu ne sais plus distinguer le vrai du faux"
Et c'était vrai
Il s'est tellement laissé berner, a vécu tellement de déceptions qu'il voit le faux partout, qu'il devient incapable de s'ouvrir, incapable d'ouvrir les yeux….
Et son cas n'est pas isolé, ça devient même la norme,
Une de mes meilleures amies , a trouvé l'homme de sa vie, j'ai reçu un message en deux lignes
"Chérie ce mec c'est moi au masculin, militant, ouvert d'esprit, agoniste, buveur de vin blanc! "
Un mois après ils n'étaient plus ensemble,
Son "elle" au masculin trouvait qu'elle allait trop vite, et qu'elle n'était pas assez "lui" au féminin …
Il y'a quelque jours, ma copine m'annonçait qu'elle a décidé de faire semblant dorénavant parce qu'elle en a marre de perdre des "hommes" qu'elle veut parce qu'elle ne correspond pas aux "critères"
Donc elle va faire usage de faux en attendant des jours meilleurs….
Que dorénavant elle va dire, faire ce qu'on attend d'elle, faire semblant d'être ce qu'elle n'est pas……
Moi ce qui me fait peur dans ce principe , c'est de ne plus discerner la ligne entre "le vrai" et le "faux" soi….
A quel moment on devient le masque qu'on porte?
J'ai très longtemps fait usage de faux, pas toujours exprès, mais souvent pour faire plaisir aux personnes devant moi , je disais ce qu'on veut entendre de moi..
J'ai cette aptitude à reconnaitre les besoins/ envies des gens et j'ai toujours eu tendance à "m'adapter" , quitte à ne pas être moi même...
Jusqu'au jour, où j'ai vu ma tante qui a toujours clamé hors et fort s'en foutre des tromperies de son mari, ma tante qui est la pile d'animation de tous les mariages/ baptême, soirées devant 2m, cette boule de joie et d'énergie, je l'ai trouvé par terre dans sa salle de bain, effondrée, une clope au bec ,elle s'est ressaisie a dessiné un sourire, et m'a dit: "Ne dit surtout rien à personne, ça rendrai ta grand mère triste …."
Ce masque de joie qu'elle a porté toute sa vie, était pour ne pas rendre les gens tristes…
Cet usage de faux était pour donner une façade à ce qui n'existe pas… donner l'illusion du bonheur…
Et j'ai pensé, à partir de ce moment, qu'il y'a tellement de "faux " autour de nous, les nuances entre le bon et le mauvais sont tellement fines, que je ne peux pas me permettre de faire usage de faux dans ma propre personne,
Je ne peux plus prétendre pour les autres, cacher ce que ce je suis, qui je suis, comment je suis….
Faire plaisir aux gens autour de moi au détriment de moi même
Parce qu'il s'agit ici de sacrifier qui on est, pour avoir "ceux qu'on croit vouloir"
mais ceux qui nous veulent vraiment, ne sont ils pas sensé nous prendre comme on est?
Ou est ce que l'usage du faux est le nouveau "vrai"?
Une marocaine confuse !